Je suis allé piloter chez Partaille

Songez que j’ai entendu parler d’iRacing pour la première fois en 2009. Je m’étais alors posé la question de prendre un abonnement. Ma ligue avait choisi majoritairement de basculer sur cette plateforme, qui combinait déjà à l’époque beaucoup d’avantages pour un seul inconvénient. Ne jouant qu’à un seul type de jeu, je pouvais m’affranchir du coût d’accès. Pourtant après réflexion j’ai choisi finalement de m’impliquer dans Live-Sim pour notamment privilégier ma vie de famille. Et depuis huit ans, chaque fois que j’entendais parler d’iRacing, j’avais la frustration de ne pas comprendre les codes, le vocabulaire spécifique et ses enjeux également. Antoine de Maximy a créé J’irai dormir chez vous, une émission qui donne la part belle à la rencontre. Sur la route de Brest, je pensais à toutes les questions auxquelles j’allais enfin avoir les réponses. Sur la route de Brest, Je suis allé piloter chez Partaille.

Partaille, je vous en ai parlé plusieurs fois déjà. Sa chaîne Youtube nous fait littéralement vivre la course de l’intérieur, puisqu’il commente en même temps qu’il pilote. Je sais tout le travail qui est derrière pour rouler à ce niveau. Le commentaire est pourtant une sorte de déconcentration. Et il ne roule sérieusement que depuis deux ans !

Comment es-tu arrivé dans la simulation au tout début ?

C’était il y a très longtemps avec Need for Speed premier du nom où j’avais écumé le mode Offline. Ensuite j’ai lâché l’affaire jusqu’à Need for Speed Shift où j’ai beaucoup roulé. Avec toutes les aides à zéro, toujours en Offline. J’ai ré-entendu parler de la simulation quand Assetto Corsa et Project Cars ont commencé à sortir. Je me suis dit que cela pourrait être sympa de se remettre aux jeux de voitures.

Qu’est-ce qui t’a attiré dans ces jeux ?

Au départ rien. C’est surtout un championnat qui m’a emmené là. Je suis issu d’un gros forum francophone qui s’appelle hardware.fr, avec des millions et des millions de messages. Des copains me disaient : « viens, on va faire le championnat Assetto ». Je n’étais pas emballé. Le championnat se lance sans moi, néanmoins j’avais de très bons retours. Je finis par l’acheter. Et là wouah, j’ai trouvé le jeu super, la simulation était belle d’abord. Il ne faut pas se leurrer, ce qui compte pour le grand public, c’est le visuel. Je jouais avec mon G27, c’était top. Je pilotais surtout la Ferrari GT2. J’ai participé au championnat en compagnie de 20-25 concurrents de tous niveaux. Ensuite, ça s’est terminé. Qu’est-ce que je fais ? Le Online, je n’aimais pas trop, c’était un peu trop bourrin. Un autre championnat se monte sur Project Cars cette fois. Je n’aimais pas du tout le jeu. Au niveau visuel, j’aimais bien mais il y avait des bugs. Et le ressenti au niveau du volant avec le G27 n’était pas bon. Je n’avais aucune sensation. Bref je conduisais car il y avait le championnat et que c’était sympa d’être entre nous. Quand il s’est terminé, j’ai lâché Project Cars et je n’y suis plus jamais retourné depuis.

C’est à ce moment-là que tu as découvert iRacing ?

Je suis d’abord retourné sur Assetto pour le fun, j’ai appris notamment le Nordschleife. Il y avait un topic iRacing sur hardware.fr. J’ai commencé à lire, j’ai tout de suite vu que c’était élitiste car personne ne me parlait. C’est encore une communauté dans la communauté. J’ai commencé à prendre des voitures et des circuits. J’ai d’abord commencé à rouler en tests avant tout parce que j’ai senti que c’était du sérieux. J’ai découvert quelque chose que je ne trouvais pas sur Assetto. Le iRating et le Safety Rating qui mesure le niveau des pilotes. L’iRating est un indice de performance en course. En schématisant, si tu termines dans la première moitié du classement, tu gagnes de l’iRating. Peu si tu es 14ème sur 30, beaucoup si tu es 1er. A l’inverse si tu termines dernier, tu en perds beaucoup. Forcément ceux qui sont très élevés en iRating sont très bons. Le Safety Rating est un indice de « propreté » du pilotage qui permet le changement de classe. Un pilote débute en classe Rookie pour progresser vers la classe D, C, B jusqu’à la A, il faut être propre. La performance importe peu. Terminer dernier et n’avoir aucun incident permettra de gagner du Safety Rating et ainsi augmenter de classe. A l’inverse quand on arrive à 17 incidents dans une course, on en est banni, avec un Safety Rating en berne.

 

Qu’est-ce qu’un incident sur iRacing ?

Les incidents vont de 0 à 4 points. Par exemple, une grosse percussion, c’est 4 points. Lorsqu’on sort des limites de la piste, c’est 1 point. Les limites de piste, généralement c’est la ligne blanche, mais ça dépend des circuits, parfois c’est un peu plus loin. A chaque fois qu’un nouveau circuit arrive, nous testons beaucoup ce qu’il est possible de faire et ce qui ne l’est pas. Par exemple sur le Mans, qui est un circuit très long, c’est très consommateur en temps. Nous avons demandé à iRacing de nous la fournir, pour les prochaines fois. Il faut savoir que, généralement, iRacing est moins permissif qu’Assetto. Dans le Raidillon, par exemple, on peut sortir beaucoup mais pas dans iRacing. On peut prendre un 1 point et parfois, le jeu nous fait ralentir, ce qui nous fait perdre du temps et des places. Un tête-à-queue, c’est généralement 2 points, mais parfois 4 points ou plus 4, si ça s’additionne avec un contact avec un concurrent.

Raisonnablement, combien peut-on gagner en Safety Rating sans incident ?

Plus tu montes en classe, moins tu gagnes. En classe B, le Safety Rating grimpe de 0.2 à 0.3 sans aucun incident. Mais c’est très difficile de n’avoir aucun incident en course. On ne maîtrise pas sa voiture totalement à tous les moments. On ne peut pas toujours prévoir ce que va faire celui qui est devant ou derrière. Et c’est d’ailleurs un des systèmes qui est critiqué. En même temps, ce serait très difficile de faire autrement. Lors d’une percussion entre deux voitures, les deux pilotes prennent 4 points d’incident. Cela permet d’éviter les stratégies un peu malsaines qui consisteraient par exemple à freiner plus tôt plusieurs fois pour disqualifier le pilote de derrière. Là, tout le monde fait gaffe. A tel point que je pilote aux rétros, pour savoir où sont les autres. A Interlagos dernièrement, j’en vois un qui se loupe vraiment bien, je me décale à droite, je prends beaucoup plus large que prévu, et je le laisse se mettre à ma hauteur pour éviter le contact.

Parfois il arrive que 4 points d’incidents ne soient pas suffisants. Existe-t-il des commissions dans iRacing pour juger des incidents ?

On peut tout à fait être banni d’iRacing. Quelqu’un qu’on rapporte et qui a tort va se faire d’abord avertir, sauf si c’est trop grave, puis être exclu. Les bannissements vont de quelques jours jusqu’à quelques mois. Et si on change d’identité, il faut repayer tout. Mais, d’une manière générale, peu sont bannis, car il faut prouver que la personne l’a fait exprès. On peut se louper au freinage, on emboutit celui qui est devant. Il rapporte mais n’aura pas gain de cause, parce qu’on aura vu que la personne a freiné. Une seule fois, alors que je commentais une course en direct, j’ai vu un pilote percuter volontairement. Il a coupé un virage pour lui rentrer dedans. Il y a eu des plaintes et il s’est fait bannir. iRacing cherche à promouvoir la propreté de pilotage.

Quand tu arrives à la classe A, la dernière avec les meilleurs, le Safety Rating a-t-il toujours de l’importance ?

Oui, il faut toujours s’en soucier sinon on redescend. Ce qui est mal fait dans iRacing, c’est qu’arriver à la classe A, à part passer pro, ou vouloir conduire en F1, ça ne sert à rien. Le Blancpain pourrait par exemple être en classe A, le niveau est extrême, et pourtant il faut une licence B. Pour être Pro, il faut la licence A. Les qualifications se font en licence A, et seuls les 25 premiers sont qualifiés. Je suis A, mais cela ne me sert à rien, sauf à vouloir retenter les qualifs pro l’année prochaine. Mais comme je ne roule pas en F1, car c’est trop élitiste et qu’il y a trop de réglages, cela ne m’intéresse pas. Moi, ce que j’aime, ce sont les GTs qui sont en B et en C.

 

En passant sur iRacing, tu changes aussi de modèle économique. Franchir le pas vers l’abonnement mensuel a été difficile ?

Il y a l’abonnement, il y a les voitures et les circuits. On m’a même posé la question si on est obligé de payer la voiture quand on l’abîme (rires). Lorsque tu achètes un contenu, tu l’as pour la vie de ton compte. Si ton abonnement se termine et que tu ne payes plus, tu n’as plus accès à iRacing et à tes contenus donc. Si tu réactives ton compte, tes contenus, les circuits et les voitures redeviennent accessibles.

Comment iRacing arrive à créer des poules de genre de même niveau ?

C’est ce qu’on appelle le Split. A partir de 40 pilotes sur une course,  iRacing créera automatiquement deux serveurs identiques, avec la même météo. Par exemple avec 60 pilotes, les 30 pilotes avec le meilleur iRating seront regroupés dans le Split 1 et les 30 suivants dans le Split 2. Ce qui change tout, c’est le match making, car tu progresses à rouler avec des pilotes de ton niveau. C’est ce qui est intéressant, pouvoir être tiré par les meilleurs, observer comment ils roulent et se voir progresser. Plus tu roules, plus tu comprends et plus tu te rapproches de certains. Il faut cependant veiller à garder un bon Safety Rating, même si ce n’est pas difficile de rester dans la classe. Le Safety Rating part de 1 à 4.99, il faut arriver à 4 pour passer à la classe supérieure. De même, si tu arrives autour de 1, tu es rétrogradé en classe inférieure. Il faudra alors recravacher pour reconstruire son Safety Rating, et atteindre les 4 de nouveau pour repasser en classe supérieure. Il faudra être propre, et c’est dur. A Spa, par exemple, il est très facile de mordre dans Eau Rouge ou dans le Raidillon. Chaque incident coûte des points et le Safety Rating augmente très peu.

Comment cela se passe sur les 24h du Mans, avec seulement 17 incidents ?

Sur les endurances de plus de trois heures, il n’y a pas de limite d’incidents, mais ils sont quand même comptabilisés pour le Safety Rating. Par contre, l’iRating ne bouge pas, parce que chacune des voitures a plusieurs pilotes. Il faudrait diviser les iRating par pilote, ce serait trop compliqué. Il n’empêche que dans certaines courses, comme les 4h de Spa, les 17 incidents étaient toujours d’actualité. Cela commence a être très juste, pour un long circuit comme Francorchamps.

Du cockpit, le nombre d’incident est visible ?

Le sien uniquement, car cela pourrait être une stratégie de piloter au contact pour expulser un pilote avec un nombre plus important d’incidents. Beaucoup de gens s’en plaignent, mais il faut intégrer la donnée.

Depuis combien de temps es-tu sur iRacing ?

Fin 2015, c’est ultra récent. J’arrive à 3500 d’iRating. J’essaye toujours de progresser. Les meilleurs sont à plus de 9000. Un des meilleurs Français sur iRacing, et ailleurs, Ricardo Castro Ledo, qui pilote chez RadicalsOnline. Les plus de 9000 se tiennent sur les doigts d’une main. Il y a Frédéric Rassmussen, Maximilien Beneké. On les voit en Endurance, en Blancpain, en Porsche. Il y a des pro, au sens d’iRacing, un peu partout. Je pense que cela va évoluer, car la performance monte au fur et à mesure. En Porsche, que je suis beaucoup, quand la licence est arrivée, des pilotes jamais vus ont débarqué avec un iRating très bas et qui gagnaient tout. Tu ne finis pas dans les 5 premiers d’une course diffusée sur RaceSpotTV si tu n’es pas très bon.

 

Et les courses sur Nascar, en quoi c’est différent ?

Chaque pilote possède un iRating / Safety Rating Nascar et un iRating / Safety Rating Road. Tout comme il y a une classe Nascar et une classe Road. Ils sont indépendants. iRacing a été très longtemps axé sur des courses américaines. C’est moins vrai depuis ces deux dernières années, où du côté du Road et notamment du côté de l’Europe, avec des GT3 qui sont arrivées en masse, comme les Audi GT3, les Mercedes GT3, les Porsche ou la Formule Renault. Il y a quand même des circuits, comme Silverstone, qu’on aimerait voir remis au goût du jour. C’est un vieux tracé qui pique par rapport à celui d’aujourd’hui. Il faudrait les re-scanner, retourner sur place pour ajouter les changements et notamment l’environnement autour de la piste. Quand tu compares avec des circuits comme le Nordschleife, ou Imola sorti récemment, c’est juste fou. Il n’y a pas très longtemps, sur Silverstone, j’ai essayé de prendre des captures d’écran. J’avais du mal à trouver un fond pas trop moche, c’est dire.

Les Français ont l’air de plus en plus présents sur iRacing ?

Je ne sais pas trop. Jusqu’à il y a un certain temps, la communauté française était présente mais très dispersée, d’autant qu’ils ne se parlaient pas. Depuis peu, il y a plus d’interactions entre les équipes françaises ou francophones, et même des grosses affinités. La dynamique est bonne. Le forum iRacing.fr regroupe la communauté, cependant je ne pourrais pas dire comment la France est représentée.

Quelle est le type de course que tu pratiques?

En ce moment je suis spécialisé dans une série particulière la Proto/GT où des LMP2 (HPD) roulent avec les GT1 (Aston et Corvette) et des GT2 (Ford). C’est du multi-classe,  même si c’est difficile à appréhender, c’est ce que je préfère. Quand on a l’habitude de piloter avec des personnes de son niveau avec les mêmes voitures, ça va à peu près. Quand on commence à mixer les classes avec des voitures qui n’ont pas du tout les mêmes caractéristiques, cela ajoute de la difficulté. Heureusement sur les quinze dernières courses, je n’ai pas fini dans le mur. Je pilote assez propre, cela ne m’a pas empêché d’avoir 14 incidents lors de la dernière course sans toucher personne, juste en mordant en fait. Les courses durent entre 60 et 75 minutes. La durée oblige à un passage par les stands pour ravitailler, et parfois changer les pneus. La dernière course, je ne les ai pas changés, et j’étais régulier dans la même seconde. Mais ça dépend comment tu les gères. Les GT1 sont très puissantes, ont un Traction Control un peu moins conséquent que les GT3 du Blancpain, il faut manier l’accélérateur avec précaution. En plus les GT1 n’ont pas d’ABS. Tu peux facilement bloquer l’arrière, cela engendre plus de température dans les pneus. La façon de piloter est différente, il faut freiner les roues bien droites par exemple.

Tu roules tous les jours ?

Non. J’ai les vidéos, je m’occupe de Redface Racing, je suis très bavard donc je discute beaucoup. J’essaie de rouler tous les deux jours. Une saison sur iRacing dure douze semaines. Sont gardées les huit meilleures pour le championnat. Sur iRacing, il faut s’entraîner. Je ne connais personne qui se lance sur une course sans avoir bossé. Il faut réfléchir globalement, carrossage, suspension, pneus, et cela prend du temps.

Effectivement, Partaille est bavard et très sympathique.
Et comme dans les superproductions, il y aura un autre épisode, consacré notamment au Redface Racing.

Crédit photos : Live-Sim / Partaille

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